auto-exotica
20. Juni 2022, Sara SherifAUTO-EXOTICA
Épisode Pilote
Ce matin d’août sur la côte nord, mis à part les quelques silhouettes au loin que je me pressais de rejoindre, la plage était déserte et le soleil déjà brûlant. C’était mon deuxième jour ici, et j’avais décidé de m’inscrire au cours de yoga du compound. Peut-être pourrais-je m’y faire des ami.e.s ? C’est que pour une fois, je n’étais pas que de passage en Égypte. Moi qui chaque année redoutais l’ennui d’un séjour trop long, j'avais décidé de m’installer le temps de quelques mois dans ce pays qui... finalement était aussi le mien. C’est en Suisse que j’ai grandi. En Égypte, je n’ai pas d’ami.e.s, que la famille, toute ma famille.
Je m’installe discrètement. Le cours a déjà commencé. Assise en tailleur, je fixe la mer. La Méditerranée scintille, son eau est translucide. Nous ne sommes que quatre pour cette session. À ma gauche, vêtue d’un t-shirt extra large, je crois reconnaître cette jeune femme dont la beauté m’avait déjà transcendée l’année passée. Sa posture est soutenue, son visage fin, sa silhouette élancée et son sourire radieux. Une Solange Knowles aux traits méditerranéens. À ses côtés, une petite fille aux boucles de bronze et reflets d’or - sa fille - imite ses mouvements. Je contemple ce magnifique tableau et suis absorbée par la beauté que certains Égyptiens peuvent détenir.
Les jours passent et l’envie de lui parler me ronge. À la plage, elle s’installe toujours au même endroit avec sa famille. Une après-midi, alors que je me promène le long de l’eau, je l’aperçois détachée du groupe et décide de mettre un terme à ma timidité. Je plonge et lui déclare mon attrait pour son énergie. Elle est réceptive, chaleureuse, amicale et architecte. Elle s’appelle Mariam.
Une chose en entrainant une autre, je découvre que ma mère l’avait déjà abordée, il y a de cela un an, pour lui dire à quel point elle lui faisait penser à sa fille. À sa fille... donc moi ? Certes, nous avons toutes deux les cheveux bruns bouclés, le teint matte et le visage fin. Mais moi, comparable à une telle beauté, n’exagérons rien. Sauf que voilà, ma mère n’avait pas été la seule à faire cette remarque. Certaines personnes nous confondaient et la prof de yoga avait même pensé que nous étions sœurs. C’est qu’en un sens, ça devait avoir du sens.
J’étais fascinée par ce que Mariam représentait - la beauté à laquelle je m’étais longtemps renié l’accès. Les Égyptiens - comme si moi je n’en n’étais pas une - je les avais souvent, inconsciemment, dénigré. Enfant, j’avais voulu cacher mes boucles. Mes cheveux, je les désirais lisses, comme les autres. Les autres auxquels je n’appartenais pas non plus, mais avec qui j’avais appris à l’école que l’Égypte, le bled comme on dit, était un pays du tiers-monde. Un pays de misère, au passé solaire. Quant aux Égyptiens à Genève, j'en connaissais à peine, et de part l’attitude invasive et parfois jugeante de certains membres de la diaspora - une fois mes parents séparés -, avec ma mère, nous nous en étions détaché. Me retrouvant ainsi sans père et avec peu de repères. Le français est ma langue maternelle, mais la langue de ma mère, c'est l’arabe. J’ai toujours été tiraillée entre deux cultures ; celle dans laquelle j’ai grandi - la suisse - et celle qui coule dans mon sang, mais que je n’ai jamais réussi à ne toucher que du bout des doigts - l’égyptienne. C’est pourquoi, une fois mes études terminées, j’ai décidé de m’y installer, le temps d’une demi-année. Un retour à mes sources - du Nil - dont je ressentais le besoin pour gérer la complexité de cette identité fragmentée.
J’étais fascinée par ce que Mariam représentait - cette fascination, qui me suivit tout au long de mon séjour, je l’ai nommé auto-exotisme : un regard extérieur bien qu’émergeant de l’intérieur. Une forme d’orientalisme assimilé, comme dirait Said. Un regard que j’étais sur le point d’explorer, comprendre, décortiquer et qui sait... peut-être même déconstruire. C’est le début d’un voyage interne - entre la Suisse et l’Égypte - avec pour point central la Méditerranée.
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