Téléphériques, Blocs Flottants et Déconvenues

Même si des expositions cantonales et nationales étaient régulièrement organisées avant 1883, elles avaient essentiellement un caractère commercial. La première exposition nationale suisse officielle a donc ouvert ses portes au Platzspitz à Zurich le 1^er mai 1883. Entièrement dédiée au progrès industriel, elle a servi à mettre en lumière les accomplissements dans ce domaine. L’inauguration de la ligne du Gothard l’année précédente n’aurait pas pu mieux tomber.

La Landi de 1939 a, elle aussi, été marquée par des circonstances tragiques: la Seconde Guerre mondiale a éclaté au cours de l’événement, influençant durablement la perception du public. Dans cette constellation, le gouvernement et les organisateurs ont mis à profit l’exposition pour rassembler le peuple autour des traditions fédérales, de l’identité suisse et surtout de la cohésion nationale. L’attraction phare de la Landi est restée dans les mémoires: le téléphérique qui reliait les sites d’exposition Landiwiese et Zürichhorn au-dessus du lac de Zurich. Plus de 700 000 visiteuses et visiteurs se sont offert le trajet à CHF 1.50, l’équivalent du salaire horaire d’un ouvrier à l’époque.

Les drapeaux des 3089 communes suisses flottaient sur la pyramide, devenue emblématique de l’Expo 64 à Lausanne. Un monorail, la plateforme panoramique tournante Télécanapé et le pavillon en forme de hérisson du Département militaire y ont notamment fait sensation. Pour la première fois, l’édition de Lausanne faisait aussi la part belle aux questions sociopolitiques. Le géant Gulliver recueillait l’opinion des visiteuses et visiteurs. La censure du Conseil fédéral – les avis sur des sujets sensibles tels que l’avortement et l’obligation de servir n’ont jamais été rendus publics – a été critiquée et est entrée dans l’histoire sous le nom de l’«affaire Gulliver». À l’inverse, le mésoscaphe conçu spécialement pour l’Expo par Jacques Piccard a reçu un accueil très positif. Il a été le premier sous-marin touristique et reste aujourd’hui encore le plus grand. Pour CHF 40.–, il permettait de découvrir pendant 25 minutes le lac Léman à 150 mètres de profondeur. Il est aujourd’hui exposé au Musée Suisse des Transports à Lucerne.

En 1991, le 700^e anniversaire de la Confédération devait être marqué par une nouvelle exposition, cette fois en Suisse centrale. Comme les électrices et électeurs du canton de Lucerne avaient rejeté le projet dès 1985, un concept décentralisé a été mis au point pour les autres cantons de Suisse centrale, mais le succès n’a pas été au rendez-vous. Le dernier dimanche d’avril 1987, les cantons d’Obwald, Nidwald, Schwyz, Zoug et Uri ont à leur tour refusé les crédits nécessaires, portant le coup de grâce au «Bündel von Ereignissen» (faisceau d’événements). Celui-ci a été remplacé par la première exposition nationale sur la recherche, «Heureka».

Les régions de Bienne, du Jura, de Morat, d’Yverdon et de Neuchâtel ont uni leurs forces pour réaliser la dernière exposition nationale en date sur le sol suisse en 2002. Un accouchement aux forceps, l’entreprise ayant essuyé de multiples revers les années précédentes. D’imposantes constructions sur les lacs de Morat et de Neuchâtel ont fasciné les visiteuses et visiteurs à la frontière entre Suisse alémanique et Suisse romande. Le cœur de l’Expo.02 était l’Arteplage du lac de Bienne, qui accueillait de nombreuses expositions et installations artistiques. Quoique très critiquée en amont – les coûts excédaient largement les recettes prévues et les écologistes s’inquiétaient des réserves naturelles – l’Expo.02 a été un immense succès et a défié tous les pronostics avec plus de 10 millions d’entrées.

En 2016, la Suisse orientale a elle aussi dû faire le deuil de sa propre exposition nationale: les électrices et électeurs de Thurgovie et de Saint-Gall ont refusé les crédits de planification, respectivement de 3 et de 5 millions de francs, nécessaires à l’Expo2027.

Et maintenant? Comment le concept innovant de NEXPO pour une future exposition nationale est-il accueilli? L’Expo poursuivra-t-elle sa route sur la voie du succès? Le duo de curateurs Juri Steiner et Anne-Outram Mott partage ses réflexions dans cette interview.